Pornocratie

"Je ne sais plus si faire semblant n'est qu'un simple jeu ou une condition de survie ... Répondre formellement à tout les critères de sélection, user du paraître pour préserver ce que l’on est au fond de soi, celle qui tape du poing là dans l’fond du ventre, celle qui hurle d’être enfermé dans ce cors juste bon à servir de vitrine, à s’faire tripoter, juste le temps d’prendre le pouvoir. Devenir à la fois le piège et l'appât, dissimuler soigneusement chez soi les failles que l'on espère trouver chez l'autre. La beauté rend ivre, et les mieux dotés auront loisir d'écraser ceux qui s'en privent. Il faut choisir ses armes dans un amas de faux semblants, usurper l'identité des personnages les plus à envier et les plus à craindre. Noyer ses scrupules, aiguiser ses gestes jusque dans les moindres détails pour avoir l'attitude adéquate. Feuilleter les pages des magasines pour suivre la tendance, et ravaler ses larmes qui brûlent l’ego comme de l’acide, et puis sourire, malgré tout. Tenir son verre de la meilleure des façons, se cambrer et tendre ses fesses au premier loup venu, faire fuir la concurrence d'un seul regard, être déterminée comme s'il s'agissait d'une question de vie ou de mort. Il faudra rire de l'amour, retoucher ses cheveux et raser le moindre poil qui viendrait souiller une peau parfaite. Soupeser le moindre kilogramme, affiner la ligne, parler de galbe et de posture, ralentir les effets de l'age sans omettre de passer par la case bistouri. Arborer la face fière d'une vraie gagnante, laisser entrevoir un peu de fragilité pour mieux coincer chaque dard tendu entre ses cuisses, et serrer fort, très fort, comme si l'on pouvait ainsi briser le monde entier. Chaque sourire, chaque moue, chaque glissé de doigt devra feindre l'ouverture, la décontraction et l'assurance. Parler quand il le faut, applaudir au bon moment, rire et pleurer en alternance et rougir sous les compliments. Donner l'illusion qu'aucune autre ne pourra rendre la vie plus belle, lèvres impeccablement maquillées, parce qu'ils aiment ça, les cils longs et la peau douce, prendre le temps devant la glace pour s'assurer que tout est bien organisé, en ordre et astiqué. Parce que tout est une affaire de sexe, parce qu'en maîtrisant l'art de séduire on apprend à être reine, parce qu'en suçant ces messieurs du mieux que l'on peut on s'offre une part d'amour, celle qu'on ne trouve pas dans les romances, celle qui ne s'échange que contre un peu de haine et de désir. C’est la pornocratie, le pouvoir par le sexe, l’arme fatale qui aura raison et de l’argent et du talent. C’est le produit miracle pour foutre le monde à genoux devant soi. Parce qu’en consommant du sexe comme on consomme un yaourt zéro pourcent en imitant l’air naïf et ingénu des gourdasses qui ne savent pas dire non on s’assure le pouvoir d’arnaquer le monde en toute impunité. En choisissant pour loisirs l'entretient de son corps et la masturbation on choisi de s'armer pour une guerre sans drapeaux. Et puis parce que gagner ce jeu c'est avant tout dissocier le fond de la forme, il faudra tenir bon pour ne pas se faire à son tour piéger par son propre manège, savoir au fond de soi qui nous sommes, même lorsque, cuisses écartés et bouche offerte pour la beauté de l'acte, on fait semblant de l'oublier. Ne surtout pas se laisser berner par le personnage que l'on s'efforce de jouer, ne pas céder à la facilité, il faudra tenir bon, jusqu'au bout, pour rester soi même à l'intérieur et se retrouver, de temps en temps, lorsqu'il n'est plus besoin de jouer les écervelées pour attirer des jeunes loups droit dans un piège, et surtout ne jamais faire déborder cette face cachée dans la case publique ... Toi, sais tu seulement qui tu es ? Sais tu te travestir face aux regards ? Quels secrets sont enfouis sous ta couche de mascara ? Qui est ce personnage à qui tu prêtes tes traits si parfaits pour berner ton monde ? Peux tu parler sans rougir de celle qui te sert de couverture ? Peux tu assumer ta quête de perfection et convaincre les plus septiques ? Sais tu prendre les armes, le charme et l'audace, sais tu livrer bataille jusqu'a l'intime des corps et t'assurer la victoire à chaque nouveau mouvement de hanche sans pour autant perdre de vue que tout ici n'est que simulation ? ... Moi je ne sais plus si faire semblant n'est qu'un simple jeu ou une condition de survie ..."