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La magie des mots
10 novembre 2009

Eté 1995.

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J’en ai pas cru tes mots, des belles paroles qui s’éternisent malgré les conventions, j’ai vu clair dans ton p’tit cinéma, ta gestuelle bien appliquée, la mise au point dans tes grands yeux, t’as voulu faire du feu sans étincelle. Tu chantais ton histoire planquée au fond d’la pièce, tes doigts qui s’écorchaient le long des cordes, tes lèvres un peu trop rouges qui balbutiaient loin du micro. C’que t’étais nulle, peut être un peu sauvage, peut être juste un peu las d’entrer en résonnance avec les verres de bières.

 

And I want you I want you I want you... Tu fredonnais malgré mon manque d’attention, tu regardais le futur avec les yeux, avec le coeur, avec la sensibilité d'hier. La chanteuse, Imaginaire, celle qui s'étrangle dans les aigus. Celle qui s'étouffe de m’voir collé à la bouche fantôme de mon amoureuse. Et elle trépigne là sur sa chaise, c'est une gamine gênée dans un corps de grande. En dehors de la scène, ses bras, ses jambes, ses sentiments l'encombrent. Elle est maladroite. Sur scène, elle s'oublie violemment, elle ne pense plus qu’a moi, elle chante les choses qui passent inaperçues, elle parle tout bas de tout c’que j’voudrais pas entendre.

Louise pose des mots, des notes sur le désir - c'est une musique tendue, une musique de frustration et de dévoration douce, qui crisse doucement et qui sent bon le café noir et la colle à papier peint. Nous avons tout perdu, et puis tout retrouvé. Dans cette ambiance de mort, taudis de réfugiés, on ne s’entête pas qu’à oublier, on fabrique aussi, du rêve tordu, comme à l’âge d’or. Et moi je peine à tout comprendre.

 

C’est vrai, t’avais très mal choisi ton répertoire, j’voulais le sable et puis le ciel, les crèmes glacées qui dégoulinent et les étés poisseux, et puis l'ennui, et puis l'action. Dans quelques heures j’ai rendez-vous avec ma fiancée qui m'attend devant un diet-cola pas terminé. Et la belle rousse que j’suis en train de tripoter c’est simplement pour passer l’temps.  Tu vois, t’as rien à regretter, j’mérite aucune des paroles qui garnissent tes belles chansons. Il y a une mouche morte au fond du verre d’ma fiancée, et du lipgloss à la fraise sur ses lèvres. Tu vois, c’est juste ça qui m’fait craquer, c’est juste qu’elle m’aime pour pas grande chose, et que j’arnaque la terre entière à engloutir tant d’affection. J’ai bien tenté d’lui demande c’qu’elle voulait faire après, mais j’avais plus la force d’écouter sa réponse, parce que j’me suis souvenu de ta dernière chanson, de tes sanglots qui déraillaient tes mots d’amour. En fait c’est juste le souvenir d’un léger souffle parfumé à la cerise qui s’échappait d’un interstice entre les lèvres de celle que personne n’aime.

 

Ta gueule de chienne m’a soudain fait sourire, mais tu n’étais plus là, ton adresse change tous les jours, et sur les murs on ne voit plus les dates de tes concerts. Alors j’vais me marier, comme pour mourir, parce que c’est ainsi que doivent finir tous les paumés.

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